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Page:Labi 1998.djvu/164

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dédiés au culte d’Hercule. Ainsi est-ce sous la protection de cette divinité que les transhumants de l’époque romaine auraient choisi de se placer. Ce culte s’est il généralisé? Les données sont encore peu nombreuses mais l’on ne peut manquer de se souvenir que c’est Hercule que l’on retrouve encore dans l’un des mythes fondateurs de la Crau. Dans un autre de ces mythes, plus récent, c’est Abel, le doux pasteur, qui apparaît,[14] face à l’ambitieux Caïn. Du haut Moyen Âge nous vient aussi saint Véran, grand vainqueur du dragon volant si présent dans l’imaginaire des régions de transhumance. Patron des bergers transhumants, saint Véran fut honoré jusqu’au début de ce siècle par des messes dites «de pastrage», célébrées au solstice d’hiver, tandis que le troupeau va quitter les prés pour gagner les terres incultes (les coassons) jusqu’au départ en montagne. Aujourd’hui, des fêtes de la transhumance se multiplient et nous ne croyons pas nous tromper en disant que ce contact avec l’odeur, la chaleur et les sons du troupeau qui pénètre la ville et la foule, à Die (Drôme), à Saint-Martin-de-Crau ou Saint-Rémy-de-Provence (Bouches-du-Rhône), renoue avec la tradition d’un rite. Un rite oublié, certes, mais nécessaire parce qu’il relie, comme tous les rites, rassemble, rassure et insuffle ce qu’il faut de confiance pour se projeter en avant. Ce n’est là qu’un aspect du patrimoine dont la pratique de la transhumance est la clef de voûte. Ce domaine des croyances et des représentations, ici à peine effleuré, recèle encore, à juger de l’étendue des zones d’ombre, de futures et passionnantes découvertes.

Les éleveurs ovins transhumants d’aujourd’hui ont commencé à profiter dans le cadre de primes diverses, et parmi les premiers dans le monde agricole, de la fonction environnementale de leur activité. À cette fonction, qui reste encore à faire pleinement reconnaître et valoriser, s’en ajoute une autre, patrimoniale et sociétale, révélée notamment par le succès des fêtes de la transhumance. Ce nouveau rôle devrait inciter les chercheurs du monde alpin, archéologues, ethnologues ou historiens, à développer ensemble de nouveaux travaux et à les partager avec ceux des autres régions méditerranéennes. Des éleveurs, qui s’y intéressent et commencent à en apprécier les retombées, sont convaincus qu’elles ne pourront qu’accroître la valeur de leur production et les renforcer dans leur intention de persévérer et de s’adapter comme ils l’ont fait sans répit depuis 11’000 ans.

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HISTOIRE DES ALPES - STORIA DELLE ALPI - GESCHICHTE DER ALPEN 1998/3