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Page:Labi 2009.djvu/12

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la contribution de C. Grandi, naît du regard désormais éloigné que se portent mutuellement ceux restés au village et ceux qui y reviennent. Un regard qui peut donner lieu à de véritables drames sociaux. Pour de nombreuses femmes du Trentin en effet, le retour suscite parfois un blâme moral collectif, surtout lorsque l’émigration leur a donné l’occasion de conquérir des espaces d’autonomie et de s’émanciper des normes et des contraintes sociales et familiales. Le retour peut alors créer l’isolement que l’on expliquerait par leur prétendue incapacité à réintégrer la vie familiale et sociale «traditionnelle». Cela peut même aller jusqu’ à permettre de justifier les jugements d’aliénation mentale et les mesures d’enfermement dans des institutions psychiatriques.

Pour les enfants de migrants nés à l’étranger la réintégration est aussi hérissée de difficultés. Le parcours des diverses familles du Biellese étudiées par P. Audenino en attestent:[29] se confronter à une société et une langue nouvelles est un facteur de déstabilisation qui se solde parfois par le retour dans le pays d’émigration. Ainsi, Lino Janutolo né dans le Kentucky en 1915, revenu en Italie en 1921 avec son père, retourne aux États-Unis en 1938, à la fin de ses études et après le décès de son père.[30] Le manque de soutien de la part du réseau familial et parental peut, dans certaines circonstances, s’avérer un obstacle majeur à la réinsertion dans la propre communauté d’origine. Ainsi, d’après un témoignage de l’époque, les rapatriés tessinois fuyant la crise économique des années 1930 dans les pays où ils avaient migré, trouvent dans leur patrie d’origine des conditions de vie «nettement plus mauvaises que celles des chômeurs n’ayant jamais quitté leur pays. Ces derniers peuvent en effet compter sur le soutien de leur parenté, ainsi que sur celui de connaissances et amitiés beaucoup plus nombreuses, leur offrant des opportunités diverses pour trouver un emploi.»[31] Ce témoignage démontre combien le sentiment d’insécurité et d’abandon peut saisir les rapatriés. Ils s’assimilent aux immigrés étrangers dépourvus des réseaux de solidarité et de soutien nécessaires pour s’intégrer dans la société d’accueil, et en partagent la précarité des conditions de vie.

Ces divers aspects développés et analysés dans les contributions présentées dans le Dossier de ce numéro de Histoire des Alpes - Storia delle Alpi - Geschichte der Alpen, témoignent des innombrables facettes caractérisant le phénomène des retours. Enracinés dans les formes migratoires de la région alpine, ils demeurent même au XIXe et durant la première moitié du XXe siècle, l’issue «naturelle» pour la plupart des migrants affrontant un voyage outre-mer et une issue possible pour les autres. Faut-il y lire la persistance d’un modèle de vie basé sur l’accès à la terre et à l’exploitation paysanne? Faut-il, en dernier