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Page:Labi 1998.djvu/14

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contrent individuellement, dans la transparence. Même pour l’époque contemporaine, ce modèle est à questionner: il semble beaucoup plus idéologique qu’effectif. De fait, il y a une contradiction entre les présupposés rationnels qui accompagnent ces théories des pôles d’attraction et de répulsion et les analyses concrètes de l’emploi dans les villes.[9] En effet, à l’époque moderne, pour de nombreuses professions, le marché est segmenté et partiellement contrôlé par des groupes sociaux spécifiques. Toutes les études de villes montrent le rôle dominant, dans certaines professions, de migrants à l’origine géographique précise. L’éventail est large qui inclut aussi bien des métiers qualifiés, des métiers liés aux services ou d’autres ne demandant que de la force de travail.[10] Signalons juste la fantaisie des destinations de la migration à partir des mêmes villages et le rôle de la concurrence entre les migrants de diverses origines. On connait le rôle des hommes de la région de Biella qui sont, avec ceux des Grisons et de Glaris, les cafetiers, confiseurs et pâtissiers des villes de l’Europe centrale et orientale.[11] À Turin, 12’000 des 63’000 immigrants saisonniers - la ville compte au début du 19e siècle environ 100.000 habitants - sont des maçons originaires des montagnes de Biella, du lac de Come et du Tessin;[12] en revanche, la Savoie envoie des domestiques et des hommes de peine dans le sillage des quelques marchands qui commercent à Turin[13] alors que ses maçons détiennent le monopole de la construction à Genève.[14] Pour les porteurs, Raffaello Ceschi a montré comment les Bergamasques ont évincé de Milan les montagnards du Val di Blenio et de la Leventina en 1679 en achetant pour 21'300 lires le monopole du portage dans la ville; un siècle plus tard, les exclus acquéraient celui de la vente des fruits. Exclus à Milan, les Tessinois conservaient toutefois le monopole du transport conquis à Gênes, Livourne, Pise et Mantoue.[15] L’exemple du colportage - ou des chocolatiers du Val Blénio[16] - montre bien le rôle de l’interdépendance entre les migrants et ceux qui ont réussi l’installation urbaine pour s’assurer progressivement un contrôle dans certaines professions. L’exemple de la mobilité des mineurs allemands en Europe à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne est très éclairant sur le fonctionnement d’une grande partie de ces marchés de la main-d’œuvre migrante au début de l’époque moderne: les mineurs ne sont pas recrutés directement en Saxe, mais à Genève, sur la place de foire, par l’intermédiaire des marchands allemands qui la fréquentent et qui agissent comme des sortes de bureaux de placement pour fournir les contingents

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FONTAINE: MODÈLES MIGRATOIRES ALPINS A L'ÉPOQUE MODERNE