artisans, mais aussi des commerçants qui achètent les ustensiles de cuisine usagés ou les vieux métaux et vendent des objets neufs. D’autres métiers traditionnellement pratiqués par les montagnards italiens manquent à l’appel: on n’a guère besoin en Suisse de porteurs, nombreux dans les très grandes villes et les ports, ni de bergers. Les laboureurs et les cordonniers trouvent aussi suffisamment d’embauche dans les métropoles d’Italie du nord.[56]
Les Tessinois, si nombreux à quitter leur canton, sont suisses et n’apparaissent donc pas.[57] En revanche, cinq vitriers grisons, bien qu’ils soient aussi nationaux, font viser leur passeport en décembre et en janvier. Deux se rendent en Suisse, trois rentrent chez eux. Souvent venus du val Calanca, ces artisans spécialisés parcourent dès la fin du 17e siècle le nord-ouest de l’Europe (Alsace, Lorraine, Palatinat, Rhénanie et Belgique). Ils portent sur le dos leur «tronca», contenant les verres et leurs outils.[58]
CHOIX DE MIGRANTS
Il est donc possible d’estimer l’importance des mobilités montagnardes vers 1800 en utilisant des sources suisses et françaises: registres de passeports délivrés ou visés, grande enquête sur les migrations temporaires de 1811. Comme le prouvent des données recueillies dans des régions de départ, les montagnes ne sont pas toujours des régions que l’on quitte. Alors que les Jurassiens franc-comtois de la région de Saint-Claude sont très nombreux à partir peigner le chanvre puis colporter en plaine, ceux des montagnes neuchâteloises, qui pratiquent l’horlogerie, restent plus volontiers chez eux. D’autres données ont été recueillies en un lieu de passage: la ville de Bâle, port rhénan qui compte alors environ 15’000 habitants. Les quelque 500 commerçants enregistrés en 1799 sont majoritairement originaires de régions de plaines, dont l’Alsace. Les habitants des grandes villes sont cependant rares à prendre la route. Quand aux montagnards, minoritaires, ils sont proportionnellement surreprésentés. Enfin, des données recueillies en un lieu de passage qui est pour beaucoup une destination finale, le canton du Léman, montrent à quel point les migrants montagnards diffèrent les uns des autres, avec des spécialisations régionales très marquées.
Le dualisme opposant le dynamique «trinôme Plaine-Côte-Ville» aux «masses montagneuses [qui] ont tendance à se constituer en conservatoires de l’ancien système économique pour cette raison péremptoire, que peu pénétrables.